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pas son assistance, apres que vous l’aurez placée dans le Throsne de Medie. Vous aurez mesme cét avantage, luy dit elle encore, de partir sans que je vous bannisse : & j’auray aussi cette consolation, de voir que du moins en me quittant, vous ne vous plaindrez pas de moy, Ha ! Madame, repliqua-t’il, je n’en seray gueres plus heureux : & l’absence est un si grand mal, à ceux qui sçavent veritablement aimer ; que par quelque occasion que l’on s’esloigne de ce que l’on aime, il s’en faut peu que l’on ne soit esgalement malheureux. Et puis Madame, adjousta t’il, qui m’a dit que durant mon absence, le Roy d’Assirie n’entreprendra rien contre vous ? Vous sçavez qu’il a des intelligences secrettes dans la Cour, que nous n’avons pû descouvrir : vous sçavez ce qu’il a desja tenté une fois : comment donc. Madame, voulez vous que je m’expose au plus effroyable danger, qui puisse menacer ma vie ? Il faut esperer, luy respondit elle, que le mauvais succés de son premier dessein, le rebutera d’un second ; il faut que je songe à le rendre vain s’il l’avoit : & que je vous assure mesme, qu’il en viendroit à bout inutilement, Et puis demeurer ou partir, n’est pas une chose qui fust à vostre choix ny au mien, quand mesme ce nouveau sujet d’absence ne seroit pas survenu : & vous sçavez, & je vous l’ay dit, qu’il faudroit tousjours s’y resoudre. Ainsi Artamene, laissons l’advenir à la conduite des Dieux, & obeïssons au Roy.

Enfin, Seigneur, Artamene se resolut à partir ; Ciaxare de son, costé l’en pressa ; & luy fit preparer un équipage, le plus grand, & le plus magnifique, dont l’on eust jamais entendu parler en Capadoce. Il eut pourtant ordre de ne proposer pas d’abord la chose dont il s’agissoit à Thomiris : Ciaxare ne voulant pas s’exposer à estre refusé.