Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/188

Cette page n’a pas encore été corrigée

racontant parole pour parole, toute sa conversation avec Ciaxare. Il eut mesme le soin de luy exagerer les sentimens de tendresse qu’il avoit veus dans l’esprit du Roy, pour ce qui la regardoit : mais apres luy avoir apris, & le dessein de son mariage avec Thomiris ; & le commandement qu’il avoit reçeu, d’aller vers la Reine des Massagettes, pour le faire reussir : il se mit à regarder la Princesse, & à vouloir observer dans ses yeux ce qu’elle pensoit, en une avanture assez extraordinaire. Mais comme elle s’aperçeut de son intention, Non non, luy dit elle, Artamene, la perte d’une Couronne n’excitera pas de grands troubles dans mon esprit : & quand le Roy mon Pere pourroit aussi bien m’oster celles de Capadoce & de Galatie que celle de Medie, vous ne m’en entendriez pas murmurer. J’ay l’ame plus ferme que vous ne pensez : & l’on pourroit m’oster plus d’un Sceptre, que je n’en changerois pas de visage. Ce n’est Artamene, ce n’est que pour la veritable gloire, que mon cœur est sensible : & non pas pour cette gloire passagere, qui dépend du caprice de la Fortune ; & qui est absolument détachée de nostre propre vertu. Ainsi je puis vous assurer, que je ne trouve rien dans le dessein de Ciaxare qui m’afflige, & qui ne soit juste : & je luy suis mesme bien obligée, d’avoir eu la bonté de m’en vouloir faire dire quelque chose. Tout ce que vous dites, Madame, respondit mon Maistre, est extrémement genereux : Mais quoy que vous agissiez en cette rencontre, comme une personne heroïque doit tousjours agir : cela n’empesche pas que je n’aye beaucoup de sujet de me plaindre de la rigueur de mon destin. Je ne voy pas, luy dit alors la Princesse, ce grand malheur dont vous vous