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vous dire adieu. Non ma Princesse (adjousta-t’il, en se mettant à genoux) cette cruelle parole ne sortira jamais de ma bouche qu’avec ma vie : songez donc bien je vous en conjure, si vous voulez que je la prononce : mais ne prononcez pas vous mesme mon Arrest de mort, sans vous consulter encore une fois. Artamene dit tout ce que je viens de vous dire, d’une maniere si passionnée ; & avec tant de violence & de respect tout ensemble, que la Princesse en fut attendrie : je pensois Artamene (luy dit elle en le relouant, & en le faisant rassoir) que la peine que je sens à vous bannir, deust vous consoler de vostre malheur. Quoy Madame, s’ecria t’il en l’interrompant, vous croyez que quelque chose me puisse consoler de la perte de Mandane ? Ha non non, cela n’est pas possible. Vous ne perdrez que sa veüe, luy respondit elle, & vous ne perdrez jamais son estime ny son amitié, si vous ne vous en rendez indigne, par une desobeïssance trop opiniastrée. Mais enfin Madame, luy dit il, quand je vous desobeïray, vous ne pourrez faire autre chose pour me punir, que de faire sçavoir à Ciaxare que je suis Cyrus : & quand cela sera, l’on me mettra dans les fers ; & peut-estre l’on sacrifiera ma vie, pour le repos d’Astiage. Mais Madame, ne vous y trompez pas : j’ayme encore mieux porter des fers en Capadoce, qu’une couronne en tout autre endroit de la Terre où vous n’estes pas : & j’aime mieux aussi mourir de la main d’Astiage, que de celle de Mandane. Mandane, luy respondit la Princesse, ne feroit rien de tout ce que vous dites : mais elle vous osteroit peut-estre son affection, s’il estoit vray que vous eussiez manqué de respect pour elle. Eh Madame, reprit mon Maistre, seroit-