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d’une fois sans rien dire : Elle n’eust pas sans doute voulu descouvrir qu’Artamene estoit Cyrus : mais elle avoit aussi tant de repugnance à contribuer quelque chose, à l’innocente tromperie qu’il faloit de necessité continuer, pour mettre mon Maistre en seureté, qu’elle ne trouvoit rien à respondre, à tout ce que le Roy disoit. Mais par bonne fortune Aribée estant entré, pour parler d’une affaire importante au Roy ; Elle se retira, & fut conduite par Artamene jusques dans son Cabinet : où elle entra, sans estre accompagnée que de Martesie. Elle n’y fut pas si tost, que regardant mon Maistre d’un air fort melancolique, & bien, luy dit elle, Artamene, il n’y a pas moyen que Cyrus ressuscite : & il faut mesme qu’Artamene parte bien tost. Ce Prince l’entendant parler ainsi, voulut luy r’assurer l’esprit autant qu’il pût : & luy faire comprendre, qu’il n’estoit pas autant en peril qu’elle pensoit. Que selon les apparences, celuy que l’on avoit pris pour luy en Perse, devoit estre ce mesme Spitridate, pour lequel on l’avoit pris en Bythinie : & qu’ainsi il ne se faloit pas tant alarmer. Parce qu’enfin il venoit peu de Persans en Capadoce : principalement de ceux qui pourroient le reconnoistre : & qu’eu effet il paroissoit bien qu’ils ne le reconnoistroient pas, puis qu’ils prenoient un autre pour luy. Quand cela seroit ainsi, dit la Princesse, ce ne seroit pas assez : car Artamene, je vous ay souffert quelque temps, dans l’esperance que j’avois, que vous pourriez trouver les moyens de vous découvrir sans danger : & dans la certitude où j’estois, que je ne serois pas moins innocente en souffrant la conversation de Cyrus, que je l’avois esté en