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courageux dans les Batailles, & prudent dans les Conseils. Le Roy voulut mesme en ce temps-là, revoir l’agreable Ville d’Amasie, qui comme vous sçavez, est scituée sur les bords de l’iris : & en suitte il fut à la superbe Themiscire, où il s’arresta : tant parce qu’il y avoit quelques affaires, que parce qu’en effet la Princesse aimoit assez ce lieu-là. Car comme le Thermodon qui mouille le pied de ses murailles, est un des plus agreables fleuves du monde, elle prenoit souvent plaisir de s’aller promener sur ses bords : & mon Maistre avoit souvent l’honneur de l’y accompagner, & le moyen de luy pouvoir donner cent tesmoignages respectieux de sa passion. Il vescut donc de cette sorte, avec beaucoup de douceur, durant les trois mois qu’on luy avoit accordez : pendant lesquels il avoit si puissamment gagné le cœur de Ciaxare, qu’il espera de pouvoir se descouvrir sans danger. Il en demanda conseil à sa chere Princesse, qui n’osoit presques le luy donner ; par la crainte qu’elle avoit, d’exposer une personne si chere. Elle ne laissa pourtant pas d’aider à luy faire prendre cette resolution : en le faisant souvenir que le terme qu’elle luy avoit donné s’aprochoit : & qu’ainsi il faloit tenter la chose : ou se resoudre à partir. Il n’en falut pas davantage, pour obliger Artamene à hazarder tout, plustost que de quitter sa Princesse : c’est pourquoy apres avoir esté prendre congé d’elle, comme s’il fust alle à la mort ; dans l’incertitude où il estoit, de la façon dont il seroit reçeu de Ciaxare : il s’en alla chez le Roy, avec intention de luy dire qu’il estoit Cyrus, & de luy aprendre que l’amour qu’il avoit pour la Princesse, l’avoit oblige à demeurer desguisé dans sa Cour, sans qu’elle en sçeust rien. Comme il arriva chez Claxare, un de ses