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partir son Rival ; il recommença d’agir avec luy comme à l’ordinaire : c’est à dire avec beaucoup de civilité. Ciaxare le traita fort bien en s’en separant : on luy donna cent chevaux pour le conduire au Camp : & l’on envoya un ordre à Artaxe qui commandoit l’Armée d’obeïr à ce Prince ; & d’envoyer Garnison dans les deux Places que le Roy de Pont devoit remettre en la puissance de celuy de Capadoce. Artamene suivy de toute la Cour, fut conduire le Roy de Pont à quelques stades de la Ville : & quoy qu’il fust son Rival, & qu’il eust eu mesme quelques momens de jalousie ; ce Prince tesmoigna tant d’amitié à mon Maistre en s’en separant, qu’il en eut de la confusion, & ne pût s’empescher d’en estre esmeû.

Cependant apres son départ, Artamene se trouva plus heureux, qu’il ne s’estoit encore veû : car enfin sa Princesse sçavoit sa naissance & son amour, & souffroit qu’il la vist assez souvent : il n’avoit plus de Philidaspe qui l’importunast : le Roy de Pont estoit party, pour ne revenir jamais : & il y avoit des momens, où il s’en faloit peu qu’il ne se creust absolument heureux. Il y en avoit aussi quelques uns, où il n’estoit pas sans inquietude : car apres tout, il faloit se descouvrir pour ce qu’il estoit : & s’exposer à l’humeur violente d’Astiage, & peut-estre à la colere de Ciaxare, Neantmoins comme l’un estoit esloigné, & qu’il paroissoit estre fort aimé de l’autre, l’esperance estoit plus forte que la crainte dans son cœur, & il ne s’estoit jamais veû si satisfait. Comme la Paix avoit remis la joye dans toute la Capadoce, ce ne furent que divertissemens à la Cour : & mon Maistre ne parut pas moins adroit, ny moins galant, dans les Festes publiques, & parmy les Dames, qu’il avoit paru