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que tous ceux qui vont à la guerre, n’y facent pas des prisonniers : puis qu’en fin il faut avoir tout ensemble, beaucoup de cœur, & beaucoup de bonne fortune : Mais je vous advoüe que je ne puis faire que je ne trouve fort estrangge, que ceux qui en font ne les traitent pas bien : Car pour moy je vous assure Seigneur, que de mon consentement ils ne porteroient pas long temps leurs chaines : & qu’ils jouiroient bien tost de la liberté. Je ne doute nullement Madame, repliqua le Roy de Pont, que vous ne soyez capable de cette espece de pitié : mais Madame, il est des Captifs, de qui la liberté ne dépend pas de la volonté des Vainqueurs : & qui seroient tousjours prisonniers, dans une prison sans portes, sans grilles, & sans Gardes. Ceux qui sont de cette humeur, repartit la Princesse, doivent souffrir avec patience, un malheur où il n’y a point de remede : & ne se pleindre de personne que d’eux mesmes. J’en connois aussi Madame, reprit le Roy de Pont, qui en usent comme vous dittes : & qui sans vous accuser des maux qu’ils endurent, se preparent à les souffrir toute leur vie. Je serois bien fachée, luy dit elle, qu’un aussi Grand Prince que vous, eust quelque sujet legitime de se pleindre de moy : mais si ma memoire ne me trompe, j’eus tousjours pour vous dans le temps que vous fustes à la Cour de Capadoce, toute la civilité que je devois au Fils du Roy de Pont. Je l’advoüe Madame, repliqua ce Prince, mais je doute si vous ne m’avez point plus mal traitté lors que j’ay porte la Couronne, que lors que je n’y avois point de part. Je veux croire, reprit la Princesse, que vous avez creû avoir sujet de vous pleindre, puis que vous nous avez declaré la guerre :