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y vouloit aporter. Il ne vit pas plustost mon Maistre que s’advançant vers luy avec beaucoup de constrance, quoy qu’avec beaucoup de melancolie : genereux Artamene, luy dit il, si en perdant la Couronne de Bythinie vous l’aviez gagnée, je ne serois pas si affligé que je le suis : Mais lors que je songe que mes plus mortels Ennemis triomphent de mon infortune ; je vous advoüe que je n’ay pas assez de patience, pour supporter cét accident sans en murmurer : & pour ne desirer pas la liberté, que je vous avois prié de ne demander pas si tost pour moy. Seigneur, luy respondit Artamene, comme je fais tousjours ce que je dois, j’ay prevenu vos prieres, & peut estre vos souhaits : & je sçay mesme si je n’ay pas esté plus loing que vous n’auriez desiré. Mon Maistre luy raconta alors, ce qu’il avoit fait aupres de Ciaxare : & quoy que par cét article, de ne faire jamais plus la guerre à la Capadoce ; il entendist bien que c’estoit luy dire tacitement, qu’il ne pretendist jamais plus rien à la Princesse : comme il estoit raisonnable, il n’en murmura point ; il s’en affligea en secret sans s’en pleindre ; & remercia fort civilement Artamene de sa generosité : le priant de vouloir remercier le Roy, en attendant qu’il le peust faire luy mesme. Il exagera extrémement cette grande action : & il ne pouvoit assez louer à son gré celuy qu’il jugeoit bien l’avoir faite. Si je remonte au Throsne, genereux Artamene, luy disoit il, je vous devray toute ma gloire & tout mon bon-heur : & je vous proteste que si je puis reconquerir la Bythinie, il ne tiendra qu’à vous que vous n’y commandiez aussi absolument que moy. Vous n’estes, luy disoit il, non plus de Capadoce que de Pont : ainsi il me semble que je