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dit avoir esté en celuy d’Astiage : mais je craindrois, si vous vous estiez descouvert, que le Roy de Medie ne vous demandast à son Fils ; que Ciaxare n’eust pas la force de vous refuser à un Prince, qui luy a donné la vie : & qu’ainsi bien loing d’obtenir Mandane, l’on ne vous mist dans les fers. Laissez donc, luy respondit alors mon Maistre, le malheureux Cyrus dans le Tombeau : & laissez vivre le bienheureux Artamene aupres de vous. La Princesse l’entendant parler de cette sorte, se releva à demy sur le bras droit : & le regardant d’un maniere tres-obligeante, quoy que tres-modeste ; Les Dieux me sont tesmoins, luy dit elle, si je n’ay pas pour vostre vertu, une estime que je n’ay jamais euë pour nulle autre : & si je ne sens pas dans mon cœur une reconnoissance & une tendresse, qui n’y peuvent estre, sans y estre accompagnées de beaucoup d’amitié. Mais enfin, Artamene, il faut que la raison soit plus forte que toutes choses : & il ne faut pas tant considerer ce qui nous plaist, que ce qui nous doit plaire. C’est pourquoy encore que vostre conversation me soit tres-agreable ; que la façon dont vous m’aimez, satisface pleinement ma vertu : neantmoins je suis obligée de vous dire, que si pendant trois mois(et je doute mesme si ce terme n’est point trop long pour la bien-seance) vous ne pouvez trouver les moyens de me faire voir, que vous pouvez ressusciter sans peril, vous vous en retournerez en Perse : que vous y vivrez heureux si vous le pouvez : & que vous ne vous souviendrez plus de la malheureuse Mandane, de peur qu’elle ne trouble vostre repos. Mais Artamene (luy dit elle, sans luy donner le loisir de l’interrompre) pour vous oster tout sujet de pleinte ; sçachez que pendant les trois mois que je