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aimé vous me plaindrez au lieu de vous pleindre : & vous soulagerez du moins mes maux, si vous ne les pouvez guerir. Mon Maistre escoutà ce discours avec un chagrin & un desplaisir extréme : il eust bien voulu pouvoir dire au Roy de Pont, qu’il ne pouvoit choisir personne plus incapable de luy rendre cét office : & luy aprendre enfin, la veritable cause qu’il avoit, de luy refuser son assistance en cette occasion, Toutefois ne sçachant pas si sa Princesse trouveroit cette franchise raisonnable, il n’osa prendre cette voye : & il falut contre son inclination, qu’il déguisast en quelque sorte la verité. L’estat où vous estes(respondit Artamene au Roy de Pont, apres y avoir un peu pensé) est sans doute digne de compassion : & je vous trouve bien plus à pleindre, des chaines que l’illustre Mandane vous fait porter, que de celles dont la Fortune vous a attaché par mes mains. Cependant comme c’est la Princesse qui vous les a données, c’est à elle seule à vous en soulager : & vous demandez une chose à Artamene, ou il ne peut ny ne doit vous servir. Ne pensez pas Seigneur, adjousta t’il, que ce soit manque de generosité, qui me face agir de cette sorte : & croyez que si vous me connoissiez bien, vous ne me soubçonneriez pas d’une semblable chose : & que vous advoüeriez, que je ne fais que ce que je dois faire. Mais pour vous tesmoigner que j’ay un veritable dessein de reconnoistre les obligations que je vous ay : je vous promets de tascher de vous faire obtenir de Ciaxare une paix aussi advantageuse, que si vous n’aviez pas esté prisonnier : & de n’oublier rien pour vous faire recouvrer la liberté. Mais pour la Princesse Mandane, adjousta-t’il, dispensez moy s’il vous plaist de luy parler de vostre passion, &