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tant de haine pour Cyrus : ainsi ma Fille, poursuivit la Princesse, ce que vous vous imaginez, n’a pas de fondemens trop vray-semblables. Et quoy qu’il en soit, il faut le deffendre opiniastrément, contre le merite, la naissance, les services, & la vertu d’Artamene : & ne se rendre qu’à la raison toute seule. Mais encore, Madame, luy dit Martesie, que resoluez vous ; & que voulez vous qu’Artamene soit ? sera-t’il tousjours Artamene, ou deviendra-t’il bien tost Cyrus ? je veux, repliqua Mandane, luy permettre de chercher les voyes d’estre Cyrus ; de n’estre plus aprehendé d’Astiage ; d’estre protegé du Roy mon Pere ; & d’obtenir d’eux la permission de m’espouser. S’il le peut, je ne feray point d’obstacle à son bonheur : & peut-estre (si je l’ose dire sans rougir) le partageray-je aveques luy. Mais si dans un terme que je luy veux prescrire (et qui ne sera pas fort long) il ne trouve les moyens de pouvoir faire ce que je dis ; il faudra ma chere Fille, bannir Artamene pour tousjours ; & nous priver peut-estre pour jamais, de toute sorte de plaisir & de repos. Il me semble, Madame, respondit Martesie, que cette resolution est un peu violente : & que vous pourriez (connoissant la vertu d’Artamene & vostre innocence, comme vous les connoissez) ne desesperer pas si fort un Prince, à qui vous avez tant d’obligation. Le Temps, Madame, fait tant de changemens tous les jours : Vous sçavez qu’Astiage est extrémement vieux : & qu’ainsi cét obstacle pourroit cesser en un moment. Non non Martesie, luy dit elle, je ne puis ny ne dois plus souffrir, qu’Artamene apres m’avoir descouvert sa passion & sa naissance, demeure plus long temps caché parmy nous : Si le Roy venoit à le descouvrir, n’auroit il pas