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precedée par tant de prodiges ; qui a causé des Eclipses ; qui a redoublé la clarté & la chaleur du Soleil ; qui a esbranlé les fondemens des Temples ; de qui tous les Astres ont fait predire tant de choses ; & que tous les Mages nous ont assuré devoir faire un renversement universel dans toute l’Asie ; J’advoüe, dis-je, que je ne sçay pas trop bien que resoudre. Car quand il seroit vray que je croirois dans mon cœur, que ceux qui ont expliqué toutes ces choses, les ont mal entenduës : & que si les Astres ont predit vostre naissance, c’est parce qu’en effet vous estes un Prince de qui la vertu est assez extraordmaire, pour obliger les Dieux d’en donner des prefages aux hommes. Quand, dis je, je ferois dans ces sentimens, cela ne fuffiroit pas : & Astiage & Ciaxare n’aprouveroient sans doute jamais, que Mandane accordast son affection à Cyrus. Mais Madame, interrompit Artamene, ce mesme Cyrus que vous dites qui est si redoutable à toute l’Asié, est presentement à vos pieds, & vous pouvez disposer de son fort comme il vous plaira. Où font, Madame, adjousta-t’il, où font les conquestes que j’ay faites, pour commencer cette usurpation universelle ? j’ay refusé tout ce que le Roy m’a voulu donner : & si j’ay combatu, si j’ay vaincu, si j’ay conquesté ; il a sans doute joüy du fruit de mes combats, de mes victoires, & de mes conquestes. je ne suis encore Maistre que de mon espée : mais comme vous regnez dans le cœur qui conduit la main qui la porte, ne craignez pas que je m’en serve jamais, à commencer une injuste guerre. C’est à vous, divine Personne, à faire le destin & des Peuples & des Rois : & c’est de vostre volonté, que dépend toute la vie d’Artamene.