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bonté que la Princesse peust avoir pour luy, elle ne la luy tesmoigneroit pas, tant qu’elle ne le connoistroit point : il se resolut tout d’un coup, de luy advoüer la verité. je sçay bien Madame, luy dit-il, qu’en vous aprenant ma naissance, je m’expose peut-estre à me voir haï de vous : mais je sçay bien aussi, qu’en vous disant qui je suis, je vous dois bien mieux persuader la grandeur de ma passion, que je n’ay fait par toutes paroles, & par tous mes services : puis qu’il est certain, que si elle n’avoit esté tres violente, dés le premier moment qu’elle a commencé d’estre ; Cyrus ne vous auroit jamais aimée. Cyrus ! reprit la Princesse fort estonnée, & quoy Artamene, Cyrus n’a-fit pas esté noyé ? Non Madame, reprit il, & je puis vous affeurer qu’il n’a pas mesme esté en danger de l’estre. Mais est-il possible, interrompit elle, que vous soyez Cyrus ? Ouy divine Princesse, vous voyez à vos pieds, dit-il en se mettant à genoux, ce mesme Cyrus, de qui la vie a donné tant d’inquietude au Roy des Medes : & de qui la more à cause une joye si universelle par toute l’Asie ; que l’illustre Mandane mesme, toute pitoyable qu’elle est, en a remercié les Dieux, & leur en a offert des Sacrifices. Ouy Madame, poursuivit-il, la premiere fois que j’eus l’honneur de vous voir, ce fut au Temple de Mars : & ce fut là que pas la passion que j’eus pour vous, je pris la resolution de ne ressusciter jamais Cyrus, qu’Artamene n en eust obtenu la permission de Mandane. C’est donc à vous à disposer absolument de son destin : il demeurera dans le Tombeau si vous le voulez ; il en fortira si vous le luy permettez : car enfin, pourveu que vous luy faciez la grace de ne le haïr pas, il ne luy importe d’estre