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pas Artamene, je ne dois pas vous considerer comme tel : & je dirois des choses à un Mede, que je ne dirois pas à un Scithe. Comment voulez vous donc que je vous parle, si je ne vous connois point ? Ne suffit il pas Madame, respondit il, que vous connoissiez mon cœur, & que vous sçachiez que je vous adore ? Nullement, respondit elle, & quand je connoistrois ce que vous dittes, cela ne suffiroit pas, pour regler la maniere dont je dois vivre aveque vous. De sorte Madame, interrompit mon Maistre, que selon ce que je fuis, vous agirez plus ou moins obligeamment ? Il n’en faut pas douter, repartit elle : mais Madame, adjousta mon Maistre, de quelque païs que je sois, je seray tousjours le mesme que je suis : ainsi ne vous semble-t’il point, qu’il y aura quelque injustice, si vous venez à me haïr, parce que peut-estre je feray d’un lieu qui ne vous plaira pas ? Ce n’est pas ce que je dis, repliqua la Princesse, & je vous promets que j’estimeray tousjours Artamene également dans mon cœur, en quelque lieu qu’il ait pris naissance : mais il est certain, que l’inegalité de sa condition, en peut beaucoup mettre en mes paroles, & en ma façon d’agir. Que si vous estes, poursuivit elle, de la qualité dont vous vous dittes, & dont je vous crois, comment est il possible, qu’il puisse y avoir un si grand mistere à vostre naissance ? Parlez donc, luy dit elle, si vous voulez que je parle : & dittes moy qui vous estes, si vous voulez sçavoir ce que je pense de vous. Mon Maistre se trouvant alors extrémement pressé, ne pensa jamais prendre sa resolution : Neantmois venant à considerer, qu’apres tout, il faloit enfin se descouvrir pour ce qu’il estoit : & jugeant bien que quelque