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ayme la gloire de Mandane, autant que ma propre gloire : & si je m’estois surpris dans une pensée criminelle, je n’aurois jamais eu la hardiesse de luy parler de mon amour. Au reste Madame, si ma naissance m’eust rendu indigne de porter vos fers, j’aurois rompu mes chaines en me donnant la mort : & je n’aurois jamais souffert, que l’illustre Mandane eust eu un Esclave indigne d’elle de ce costé-la. Eh pleust aux Dieux qu’Artamene meritast certe glorieuse qualité par sa propre vertu, comme il la merite par sa condition. Cependant, divine Mandane, c’est pour l’amour de vous, qu’Artamene n’est qu’Artamene : & que bien loing de passer pour le Fils d’un Grand Roy, il passe seulement pour un homme que la Fortune a favorisé. Mais Madame, en s’attachant à vostre service, il n’a pas cessé d’estre ce qu’il est : c’est à diré qu’il a tousjours l’ame grande, & incapable d’un injuste sentiment. Ne croyez donc pas s’il vous plaist, que je vous aye si mal connuë, que mon cœur vous ait soubçonnée d’une foiblesse : Non, Madame, je n’ay point creû que la Princesse Mandane deust estre susceptible d’une passion violente : mais j’ay esperé qu’elle souffriroit la mienne, puis qu’elle ne s’oppose point à sa Vertu. Car enfin, Madame, je ne veux rien de vous, que la seule permission de vous aimer, & de vous le dire : Vous en demandez trop de la moitié, respondit la Princesse en rougissant ; & je ferois indigne de cette innocente passion, que vous m’assurez avoir pour moy ; si je vous accordois ce que vous voulez : & si je souffrois que vous me dissiez plus d’une fois, ce que tout autre que vous, ne m’auroit jamais dit sans estre hai. Cette exception m’est bien glorieuse,