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dit une seule parole qui vous peust desplaire : & que je ne vous ay parlé, que lors que j’ay creû ne devoir jamais plus parler. je vous ay caché mon amour jusques à la mort : & il est certain que si je ne vous l’eusse dite au bord du Tombeau, je ne vous en aurois jamais donné nulle connoissance par mes paroles. Mais, Madame ; quis que vos larmes m’ont ressuscité, puis que les Dieux ont voulu faire cesser le desplaisir que vous aviez de ma perte, en me redonnant la vie ; pourquoy me voulez vous repousser cruellement dans le Cercueil ? & pourquoy ne voulez vous pas avoir quelque pitié d’un Prince malheureux, apres avoir eu quelque compassion d’un Prince mort ? C’est, repliqua Mandane, que ce Prince mort avoit expie sa faute en mourant : & que ce Prince vivant, recommence son crime en ressuscitant. Enfin, Artamene (luy dit elle avec un visage fort serieux) je vous advouë que je vous estime ; que je vous ay de l’obligation ; & que vostre mort pretenduë, ma donné une veritable douleur. Mais en mesme temps, je vous declare aussi, que j’ayme la gloire, beaucoup plus que je n’estime Artamene, quoy que je l’estime beaucoup : & que quand j’aurois pour vous toute la tendresse imaginable ; je la combattrois & la vaincrois, plustost que de consentir que vous m’entretinsiez d’une passion, qui me doit estre suspeste. Ha ! Madame, s’escria Artamene, que vous connoissez mal l’amour que vous avez fait naistre en mon cœur ! & que vous sçavez peu de quelle façon je vous aime ! Sçachez, Madame, que la pureté de ma passion, esgale la pureté de vostre ame : Ouy divine Princesse, je vous aime d’une maniere si respectueuse, que je desadvoüerois mon propre cœur, s’il avoit souffert un injuste desir. J’