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gazon assez prés d’elle, elle s’y assit : & mon Maistre demeura debout, se baissant à demy pour l’entendre ; pendant que les Filles de la Princesse, s’apuyant contre une Palissade, s’amuserent à parler ensemble, à sept ou huit pas de leur Maistresse. Comme la Princesse fut assise, & qu’Artamene voulut reprendre son discours, elle l’en empescha : & luy dit, je voy bien que Feraulas a trouvé mes larmes assez precieuses, pour ne vous les cacher pas : & que la compassion que j’ay euë pour Artamene mort, fait la hardiesse d’Artamene vivant. C’est pourquoy comme j’ay contribué quelque chose à vostre faute, je ne veux pas vous traiter aussi severement que si vous n’aviez point excuse : & je pense que les obligations que je vous ay, meritent bien que je ne vous bannisse pas de ma conversation legerement. Mais Artamene, apres la bonté que j’ay euë pour vous, & celle que j’ay encore aujourd’huy il faut se repentir, & il faut se corriger. S’il faut se repentir de vous avoir aimée, respondit mon Maistre, vous n’avez qu’à prononcer l’arrest de ma mort, sans differer davantage : car Madame, c’est ce que je ne seray jamais, & ce que je ne sçaurois faire. Repentez vous du moins, repliqua la Princesse, de me l’avoir dit : & resoluez vous de ne me le dire plus. Quand je vous l’auray dit une fois, respondit mon Maistre, si vous continuez de me deffendre de parler, je ne doute pas que je ne vous obeïsse : & que la mesme m’empesche en peu de jours, de vous importuner de ma passion. Mais, Madame, il faut que je vous la die une fois seulement : il faut que vous connoissiez mon amour telle qu’elle est, puis qu’il peut estre enfin que vous ne la connoissez pas. je vous conjure donc, poursuivit-il, de ne me refuser point : souvenez