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que vous imaginez, & que je doute que vous puissiez vous mesme garder : ne me reprochez point ma foiblesse, respondit Mandane, & aidez moy à la cacher en ne m’abandonnant jamais, tant qu’Artamene fera aupres de moy : car je vous advoûe que je ne seray pas marrié qu’il ne me mette pas en estat de le bannir.

Voila Seigneur, de quelle sorte la Princesse & mon Maistre raisonnoient, chacun en leur particulier : & en effect la chose alla comme elle l’avoit resoluë : c’est à dire que durant plus de quinze jours, il fut impossible à Artamene de pouvoir parler un moment seul à la Princesse. Elle conduisit pourtant la chose si adroitement, qu’elle ne fit nulle incivilité à mon Maistre : il ne laissoit pas neantmoins de se trouver tres malheureux : & sans oser le pleindre de Mandane, il se pleignoit incessamment de la rigueur de son destin. Il connoissoit toutefois fort bien, que la Princesse estoit la veritable cause de cette espece de malheur : mais il avoit un respect si grand pour elle, qu’il ne l’aceufoit jamais, que lors qu’il n’y avoit plus de moyen de l’excuser, ny de donner nulle autre cause à ses infortunes. Cependant apres que durant quinze jours, Mandane eut opiniastrément esvité toutes les occasions d’estre seule avec Artamene : enfin la Fortune fit malgré toute sa rigueur, que mon Maistre l’entretint. La Princesse depuis ce que le Prince d’Assirie avoit entrepris contre elle (car nous ne le nommerons plus Philidaspe) n’avoit point sorty de la Ville pour aller prendre l’air : & toutes ses promenades estoient bornées, aux Jardins qui font dans l’enceinte des murailles, & qui ne font pas de fort grande estenduë. Elle y alloit donc ordinairement, lors que le Soleil estoit abaissé :