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Ha Feraulas, me dit il, tout ce que vous me dites, n’est que pour Artamene mort : Mais qui sçait si Artamene vivant, & si Artamene devenant Cyrus, pourroit estre aussi heureux ? Il faut l’esperer, luy dis-je, & pour moy je vous advouë, que j’y voy beaucoup d’aparence. Mon Maistre escoutoit alors tout ce que je luy disois, comme si un Dieu eust parle : & je m’aquis un tel credit sur son esprit, par l’agreable nouvelle que je luy donnay ; que depuis cela, il me dit tousjours jusques à ses moindres pensées. Il me fit redire plus de cent fois, tout ce que je luy avois desja dit : il vouloit presque encore, que je luy racontasse ce que la Princesse avoit pensé : & mesme ce qu’elle avoit dit, quand l’avois esté sorty de son Cabinet. Mais je ne pouvois pas le luy aprendre : car je n’avois pas encore lié amitié avec Martesie : bien est il vray que ce fut bien tost apres, que je m’attachay à la servir, & que j’entray dans la confidence. Artamene se trouvent donc beaucoup plus heureux qu’il n’avoit esperé, ne pouvoit se lasser de me parler, & de me faire tousjours de nouvelles questions : tantost sur ce qui estoit desja passé ; & tantost sur ce que je croyois de l’advenir. Neantmoins quelque joye que je luy eusse donnée, il y avoit tousjours quelques moments, où son ame n’estoit pas tranquille : & où il craignoit estranggement, qu’Artamene ne fust plus malheureux vivant, qu’il n’avoit esté dans le Tombeau. Et certes ses soubçons n’estoient pas tout à fait sans fondement : car dans le mesme temps que je l’entretenois, Martesie, qui fortuitement nous avoit veus arriver Chrisante & moy, fut en advertir sa Maistresse. Ha Martesie, luy dit elle, que m’aprenez vous ! & que va aprendre