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faut songer à l’empescher, elle sera executée ; la Ville sera surprise ; ma Princesse sera enlevée ; & cét heureux Rival enlevera avec elle, tout ce qui me peut faire aimer la vie. Parlons donc, parlons pour luy, afin de pouvoir agir contre luy : s’il estoit en lieu (poursuivoit-il en luy mesme) où je le pusse trouver, j’irois luy aprendre ma passion, & non pas descouvrir la sienne à la Princesse : & je tascherois apres la luy avoir aprise, de ne le laisser pas en estat de la reveler à personne. Enfin je ferois ce que je serois obligé de faire : il mourroit ou je mourrois, & tous nos differens seroient terminez. Mais helas ! Il se cache ; il est à couvert de ma violence ; & je ne sçay de son entreprise, que ce qu’il faut que j’en sçache, pour avoir de la jalousie ; de la crainte ; de la haine ; & du desespoir. je ne sçay qui sont ceux qui le servent, je ne sçay quand, ny comment ils le doivent servir : & je sçay seulement qu’ils travaillent à ma ruine. Mais que fais-je malheureux ? je perds le temps à discourir inutilement pendant que mon Ennemy avance ma perte, en avançant son dessein : Allons donc, allons parler à la Princesse : allons luy aprendre ce que jamais nul autre Amant que moy, n’a apris à la personne aimée. Peut-estre, adjoustoit-il, tirerons nous quelque avantage de nostre malheur : nous verrons dans ses yeux les mouvemens de son ame : nous descouvrirons les plus secrets sentimens de son cœur ; & peut-estre encore, qu’apres avoir parlé pour autruy, nous trouverons les moyens de parler pour nous mesmes. Va donc malheureux Amant ; va où ta destinée te conduit ; & ne differes pas davantage. Songe qu’il s’agit de tout ton bonheur, ou de toute ton infortune : espere qu’en aprenant l’amour de Philidaspe