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Roy d’Assirie. Il se souvenoit alors, que quand il avoit passé à Babilone, ce Prince en estoit party deux jours auparavant : & il se souvenoit encore, qu’il l’avoit veû dans le Temple de Mars, le premier jour qu’il avoit esté à Sinope. Que feray-je, disoit-il, contre ce dangereux Rival ? iray-je advertir le Roy de ce qu’il trame, sans en rien dire à la Princesse ? ou iray-je à la Princesse auparavant que d’aller au Roy ? peutestre que comme la chose la regarde directement, elle s’offencera si je ne l’advertis pas la premiere : Allons donc, allons luy descouvrir la verité de la chose, & ne luy en desguisons rien. Mais que dis-je ? reprenoit il tout d’un coup ; suis-je bien assuré que je veux faire ce que je dis ? non, cela n’a point d’aparence. Quoy ! j’aprendrois moy mesme à la Princesse que mon Rival l’aime ; qu’il est un des plus Grands Princes du Monde ; & qu’il ne manque rien à sa bonne fortune, que le consentement de Mandane ! Quoy, je n’oseray parler pour moy mesme, & je parleray pour mon Ennemy ! l’estoufferay mes soupirs ; je cacheray mes larmes ; & j’iray aprendre à la Princesse, les transports & la passion de mon Rival ! Mais d’un Rival encore qui est bien fait ; qui a du cœur & de l’esprit ; & que j’ay entendu loüer plus d’une fois à Mandane ! Ha non non, il vaut mieux mourir. Mais d’autre part, disoit-il, la conjuration est preste d’esclatter : si je ne montre point ce que Philidaspe a escrit ; & que je me contente de dire qu’il a un pernicieux dessein, & qu’il y faut donner ordre : qui sçait si je seray creû ? l’on sçait que nous ne sommes pas trop bien ensemble : & cette conspiration, si peu d’aparence ; qu’auparavant que j’aye peut-estre persuadé qu’elle est veritable, & qu’il