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pere : & que par cette seule raison, je luy devois des soupirs & des pleurs. Demeurons donc, disoit elle, avec un peu plus de repos : satisfaisons nous de nostre innocence : ostons seulement à Artamene toutes les occasions de nous parler en particulier : cachons luy du moins la tendresse que nous avons dans le cœur, si nous ne pouvons vaincre : & quoy qu’il en puisse arriver, resoluons nous plustost à la mort, que de rien faire, de rien dire, ny mesme de rien penser, qui ne soit juste ; qui ne soit vertueux ; & qui ne satisface pleinement, l’amour que nous avons pour la gloire. C’estoit de cette sorte que l’Ilustre Mandane s’entretenoit avec Mattesie, pendant que mon Maistre qui ne sçavoit point si elle avoit veû ce qu’il luy avoit escrit, en estoit tousjours plus en peine. Philidaspe durant ce temps là, ne paroissoit presque point : il vit la Princesse en arrivant à Sinope, mais ce ne fut qu’un moment : & feignant d’aller donner ordre aux Troupes que l’on avoit levées pensant qu’il les deust commander ; & qui s’estoient assemblées aupres d’un Chasteau dont il estoit Gouverneur à soixante stades de cette ville ; la Princesse eut du moins un peu plus de liberté d’entretenir ses pensées : & de songer à la resolution qu’elle vouloit prendre. Cependant les blessures de mon Maistre se guerissant mesme plustost que les Chirurgiens ne l’avoient esperé ; il fut dans peu de jours en estat de quitter non seulement le lict, mais la chambre, & d’aller rendre ses devoirs au Roy & a Mandane. Il eust bien voulu que j’eusse esté aupres de luy, afin de luy dire ce que l’avois fait : mais il creut qu’il eust falu attendre trop long temps. Car encore qu’il m’eust envoyé un ordre de le venir trouver,