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doute, jusques à ce que je puisse obtenir quelque tesmoignage d’affection de ma Princesse : ou que du moins elle n’ait reçeu la mienne favorablement. Helas ! disoit-il encore, peut-estre que si Feraulas luy a donné ce que je luy avois commandé de luy presenter, elle l’aura leû avec chagrin : & que bien loing d’avoir de la compassion, elle n’aura eu que de la colere. Peut-estre aussi, adjoustoit il, qu’elle m’aura pardonné : & que la pitié attendrissant son cœur, elle aura reçeu la declaration que je luy ay faite, sans s’en irriter, & sans m’en haïr. Mais quand cela seroit, poursuivoit il, qui sçait si ce qu’elle m’a pardonné lors qu’elle m’a pardonné lors qu’elle m’a creû mort, me le sera aujourd’huy qu’elle sçait que je suis vivant ? Peut estre encore que Feraulas ne luy aura pas donné ce que je luy escrivois : & qu’ainsi je suis aussi innocent dans son esprit, que je l’estois en partant. Mais aussi, reprenoit ce Prince, je suis aussi malheureux ; car enfin si elle ne sçait point que je l’aime, le moyen que j’ose jamais le luy dire ? que veux je donc ? disoit-il encore ; & que puis-je vouloir ? je crains qu’elle ne sçache mon amour, & je le souhaite : j’ay de la crainte & de l’esperance : je desire passionnément de revoir Mandane, & je l’aprehende : & je suis enfin si prés de la surpreme felicité, ou de la surpreme infortune ; qu’il n’est pas aisé que mon ame n’en soit point esbranlée : & que l’incertitude où je suis, du bien ou du mal qui me doit arriver, ne trouble pas ma raison. Ce fut en de pareilles pensées, qu’Artamene passa une partie de la nuit : neantmoins le sommeil l’ayant surpris malgré luy, il se trouva le lendemain au matin en assez bon estat : & les Chirurgiens du Roy, assurerent qu’en fort peu de jours, il quitteroit