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de deux autres qui avoient ordre s’ils rencontroient quelqu’un du Party du Roy de Pont, & du Roy de Phrigie, de dire qu’Artamene estoit un Parent de leur Maistresse, que l’on reportoit chez luy ; & qui avoit esté blessé à la derniere Bataille. Mon Maistre en partant reçeut cent civilitez de toutes ces illustres Personnes, qu’il leur rendit avec usure : leur promettant de leur faire bien tost sçavoir de ses nouvelles. Mais comme il prit le chemin du Camp, il sçeut par quelques Soldats qui alloient à la petite guerre, & ausquels il fit demander où estoit l’Armée, que Philidaspe en estoit party le jour auparavant, pour aller conduire le Roy de Pont à Sinope. Si bien que changeant sa routte, il prit celle de Philidaspe : qu’il r’atrapa aisément, parce que des Chariots & des Prisonniers, marchent encore plus lentement qu’une Lictiere. Il arriva donc, comme vous l’avez sçeu, dans cette Plaïne que traversoit Philidaspe : Et voila, Seigneur, quelle avoit esté l’avanture de mon Maistre ; & ce qui l’avoit fait croire mort. Comme la chose avoit esté fort extraordinaire, Artamene eut la curiosité depuis, de demander au Roy de Pont, s’il estoit vray qu’un Prince appelle Spitridate luy ressemblast ? & l’assura qu’il avoit pensé y estre trompé plus d’une fois ; & qu’il n’estoit pas possible de voir deux personnes avoir jamais tant de conformité d’air, de troits, & de taille, que Spitridate & luy en avoient.

Mais pour reprendre le fil de mon discours où nous l’avons laissé ; apres que Ciaxare eut escouté de la bouche de mon Maistre, tout ce que je viens de vous raconter ; il admira son bonheur & s’en resjouït : & apres une assez longue conversation, il le quitta, & s’en retourna à Sinope. Ils resolurent