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qu’à regarder. Quoy qu’il en ſoit Cyleniſe, dit la Princeſſe, ils le sçavent, etils peuvent le faire sçavoir aux autres. Que sçay-je meſme, adjouſta-t’elle, ſi Eſope n’a point fait cette Fable parles ordres de Cleandre que je sçay qui luy a fait tant de preſens ? Cela ne peut pas eſtre, Madame, repliqua Cyleniſe, car il ne pouvoit pas deviner, quand il eſt venu viſiter ma Compagnie, que l’on parleroit des choſes qui luy ont donné ſujet de la faire. Et puis, pourſuivit-elle, Madame, vous voyez bien que toute cette Fable n’eſt pas hiſtorique ; puis qu’il parle vers la fin comme s’il connoiſſoit parfaitement, que peut-eſtre un jour Cleandre pourroit toucher voſtre cœur, au préjudice d’Adraſte & d’Arteſilas. C’eſt ce qui m’épouvente Cyleniſe, interrompit la Princeſſe, & ce qui m’offence tout enſemble : car enfin je trouve Eſope bien hardy, d’oſer penſer cela d’un homme de qui la condition n’eſt point connue : mais je le trouve auſſi, adjouſta-t’elle en rougiſſant, encore plus incomprehenſible, de voir qu’il ayt pu penetrer ſi avant dans le fonds de mon cœur, & juſques au point de connoiſtre qu’en effet ſi Cleandre eſtoit de la condition d’Adraſte & d’Arteſilas, il ſeroit peut-eſtre en eſtat de rendre ſa Fable auſſi juſte à la fin qu’elle l’eſt au commencement. Mais comme cela n’eſt pas, il faut détromper Eſope ; faire changer d’opinion au Prince Myrſile ; & guerir Cleandre s’il eſt poſſible. Cette derniere choſe ſera la plus difficile, reprit Cyleniſe. le ne le penſe pas, dit la Princeſſe, puis qu’apres tout Cleandre a de la raiſon. Il ne ſeroit pas amoureux s’il en avoit encore, reprit Cyleniſe. Mais d’où vient, luy dit la Princeſſe, que vous eſtes ſi fort perſuadée de