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que malgré tout ce qu’Eſope a pu dire, n’y entendant point de fineſſe, je l’ay donné au Prince, qui l’a leû en ſous riant vers la fin : & témoignant par une certaine action de teſte, que c’étoit ce qu’il en trouvoit le plus joly. Et quoy Seigneur, luy ay-je dit, il ſemble que vous entendiez auſſi bien la fin de cette Fable, que j’en entends le commencement ? Si cela eſt, ay-je adjouſté encore, je vous ſuplie d’aider à ma ſtupidité, & de me le vouloir expliquer. Je n’ay pas pluſtost eu dit cela, que le Prince Myrſile, qui comme vous sçavez porte touſjours un Crayon pour ſe faire entendre à ceux qui ne ſont pas accouſtumez au langage de ſes yeux & de ſes mains ſeulement : a pris ce qu’Etape avoit eſcrit : & juſtement à l’endroit où il y a, Mais en fuyant elle rencontra ſous ſes pieds un jeune Berger endormy : il a écrit ſous ces dernieres paroles, nommé Cleandre : & auſſi toſt apres me l’avoir monſtré, il l’a effacé, comme vous le pourrez encore remarquer, ſi vous voulez vous en donner la peine. J’advouë, Madame, que je ſuis demeurée fort ſurprise, de voir qu’Eſope qui eſt Eſtranger, & qu’un Prince qui ne parle point, m’aprenoient les nouvelles de la Cour : car enfin, adjouſta Cyleniſe en riant, ſi je ne ſuis trompée, cette Fable cache cette verité.

A ce que je voy, luy dit la Princeſſe, vous n’eſtes pas difficile à perſuader ; puis qu’un homme qui fait profeſſion ne ne dire que des menſonges, & un autre qui ne peut pas eſtre fort bien inſtruit des nouvelles, vous ont en ſi peu de temps perſuadé une choſe que vous ne croyiez pas ſeulement vray-ſemblable il n’y a qu’un jour. La Princeſſe Palmis dit cela ſi froidement, que Cyleniſe connut quelle avoit quelque faſcheuse penſée qui l’occupoit : &