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vous la raconterois. Mais eſt il poſſible, luy dit la Princeſſe, que cette avanture bizarre qui me pourroit faſcher, vous puiſſe divertir ? Vous en jugerez Madame, luy dit-elle, quand vous la sçaurez. La Princeſſe qui eſtoit effectivement accouſtumée d’avoir la bonté de ſouffrir quelquefois que Cyleniſe luy racontaſt une partie des nouvelles qu’elle avoit apriſes, ſe reſolut de l’écouter : pluſtost par couſtume & par indulgence, que par curioſité. Parlez donc, dit-elle à cette Fille, car je voy que vous en avez tant d’envie, que par pitié je ne veux pas vous en empeſcher. Puis que vous m’en donnez la permiſſion Madame, reprit elle, je vous diray qu’une de mes Compagnes ſe trouvant mal, & ayant aujourd’huy gardé la Chambre, j’ay paſſé une partie de l’apreſdisnée aupres d’elle, où diverſes perſonnes ſont venuës, & entre les autres Eſope. Lors qu’il eſt arrivé, vous eſtiez le ſujet de noſtre converſation : car comme vous ne l’ignorez pas, l’amour du Prince Adraſte & celle d’Arteſilas font un aſſez grand bruit dans le monde. Et comme ces deux Princes ont chacun leurs Partiſans, il ſe fait cent mille conteſtations tous les jours pour cela : principalement depuis que l’on s’aperçoit que vous traittez Arteſilas avec un peu moins de ſeverité qu’à l’ordinaire. Si bien que comme la converſation n’a pas changé pour l’arrivée d’Eſope : les uns ont dit que la protection du Prince Atys, l’emporteroit ſur Arteſilas : & les autres ont dit au contraire, que voſtre choix ſeul, feroit le deſtin de ces deux Amants. Les uns ont adjouſté que la qualité d’Eſtranger eſtoit ; un obſtacle à Adraſte : les autres que celle de Subjet de Creſus en eſtoit un plus puiſſant à Arteſilas :