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Cleandre, luy dit-elle encore, je sçay bien que cette vangeance eſt capricieuſe : & que je ne me feray gueres moins de mal que j’en feray aux autres : mais je n’y sçaurois que faire. Madame, interrompit-il (ne pouvant conſentir qu’elle priſt la reſolution de bien traitter Arteſilas) donnez moy encore quelques jours, pour voir ſi je n’imagineray point quelque nouvelle voye de vous ſervir. Non non, luy dit-elle, vous ne me tromperez pas : je me ſuis aperçeuë il y a deſja longtemps, pourſuivit la Princeſſe en ſous-riant, que vous n’aimez pas trop Arteſilas non plus qu’Adraſte : ainſi il peut-eſtre que pour vous vanger en voſtre particulier, vous ne voulez pas que je me vange de la façon que je l’entends. Mais Cleandre, eſtant genereux comme vous eſtes, il ne faut pas que la choſe aille de cette ſorte : & il faut au contraire en cette rencontre, que mes intereſts l’emportent ſur les voſtres. Vos intereſts Madame, repliqua-t’il, me ſeront touſjours mille fois plus chefs que les miens : mais en cette occaſion j’oſe vous dire, que ſi vous sçaviez tout le mal que vous ferez, en favoriſant Arteſilas, peut-eſtre, dis-je, ne le feriez vous point. Cleandre prononça ces paroles avec tant d’émotion ſur le viſage, que la Princeſſe en fut ſurprise : & comme elle n’en comprenoit pas le ſens ; je ne sçay point, luy dit-elle, deviner les Enigmes : & meſme je ne m’en veux pas donner la peine. C’eſt pourquoy parlez plus clairement, ſi vous voulez eſtre entendu : ou ne parlez point du tout, ſi vous jugez qu’il toit à propos que je ne vous entende pas. Je penſe que c’eſt le dernier que je dois faire Madame, repliqua-t’il en ſoûpirant, & que ſans vous expliquer ce que je vous ay