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que ce fut alors que Cleandre fut le plus malheureux. Il eut pourtant la conſolation de remarquer, que la Princeſſe de Lydie avoit une forte averſion pour ce nouveau Rival : mais il sçeut auſſi que le Prince Atys n’eſtoit pas marry qu’Adraſte ſongeast à la Princeſſe ſa Sœur. Car comme le Roy de Phrigie n’avoit point d’Enfans, & que l’on diſoit qu’il ne ſe remarieroit jamais, il y avoit apparence qu’Adraſte devoit eſtre Roy : de ſorte que croyant que ce Mariage ſeroit avantageux à la Princeſſe, il faiſoit tout ce qu’il pouvoit, pour ſervir ce Prince auprès d’elle, & pour le faire agréer à Creſus. Il la preſſa meſme ſi inſtamment à diverſes fois, de vouloir eſtre favorable au Prince Adraſte ; que ne sçachant plus quelles raiſons luy dire pour l’empeſcher de prendre part à la froideur qu’elle avoit pour luy : elle s’aviſa d’employer le crédit qu’avoit Cleandre ſur l’eſprit du Prince ſon Frere, ignorant l’intereſt qu’il y avoit ; & n’ayant pas sçeu qu’il avoit deſja fait avec adreſſe tout ce qu’il avoit pû pour cela. Elle envoya donc querir Cleandre ; & le faiſant entrer dans ſon Cabinet, apres qu’elle luy eut fait : un compliment pour preparer ſon eſprit à luy accorder ce qu’elle ſouhaitoit de luy ; & qu’il l’eut aſſurée qu’elle pouvoit meſme diſposer de ſa vie : Ce que je veux de vous, luy dit-elle, n’eſt peut-eſtre pas ſi aiſé que vous vous l’imaginez ; puis que pour me rendre l’office que je deſire, il faut que vous combatiez de toute voſtre force, les volontez d’un Prince que vous aimez beaucoup, & qui vous aime auſſi infiniment. Enfin, dit-elle, il faut perſuader au Prince mon Frere, qu’il ne doit point s’obſtiner à proteger Adraſte aupres de moy ; & que c’eſt bien aſſez qu’il ait trouvé un