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attendois un ſi puiſſant ſecours pendant cette guerre, eſt pris & bleſſé. En fuite, je voy la divine Mandane aſſez pour renouveller dans mon imagination toutes les merveilleuſes beautez qu’elle poſſede : & trop peu pour ma conſolation, puis qu’il ne m’a pas ſeulement eſté permis de luy demander ſi elle m’aimoit touſjours : & de l’aſſurer que ma paſſion n’a jamais eſté ſi violente qu’elle eſt. Apres, elle me delivre : mais elle retient mon Rival. Je ne ſuis pas pluſtost en lieu d’aſſurance, que l’Oracle de Babilone m’eſt aporté : par où j’aprends que les Dieux doivent rendre ce Rival heureux. A un inſtant de là, je reçoy celuy de Delphes : qui me precipite du faiſte de la gloire, dans l’abiſme du malheur. A peine ay-je reſpiré, que Madate m’aprend qu’il ſe forme un nouvel orage contre moy, & à peine encore ay-je entendu ce que Madate me dit, qu’Ortalque me donne mon arreſt de mort, prononcé par la Sibille : jugez Chriſante apres cela, s’il eſt poſſible de conſerver de l’eſperance. Cependant il ne faut pourtant pas meriter noſtre infortune : il faut combattre pour la liberté de Mandane, avec la meſme ardeur que ſi les Dieux ne l’avoient pas promiſe à mon Rival : il faut encore s’oppoſer à Creſus avec le meſme courage que ſi l’Oracle ne luy avoit pas promis l’Empire : & il faut enfin agir avec la meſme tranquillité, que ſi je ne devois pas eſtre la victime de Thomiris. Voila Chriſante, adjouſta ce Prince affligé, ce que je dois faire, & ce que je veux faire : mais je ne sçay pas ſi je le pourray. Mon ame eſt ſans doute au deſſus de l’ambition, & meſme au deſſus de la crainte de la mort : mais l’amour la poſſede ſi abſolument, que je sçay de certitude que je ne pourray ſuporter