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des Maſſagettes. Cette derniere menace, n’eſt pourtant pas celle qui m’eſpouvante le plus : & : mon ame eſt bien plus troublée de la perte de Mandane, que de la perte de ma vie. J’ay veſcu d’une maniere juſques icy, qui me peut raiſonnablement faire eſperer que je ne puis mourir ſans gloire, ainſi je n’apprehende point la vangeance de Thomiris. Qu’elle me haïſſe tant qu’il luy plaira ; qu’elle faſſe armer contre moy toutes les deux Scithies ſi elle le peut ; je n’en auray pas l’ame eſbranlée : mais que Mandane, l’illuſtre Mandane, ceſſe de m’aimer, apres m’avoir donné lieu d’eſperer d’elle une fidelité inviolable ; c’eſt ce que je ne sçaurois ſouffrir : & toute ma confiance & toute ma raiſon, ne sçauroient m’empeſcher de donner des marques de foibleſſe. Si j’eſtois aſſuré du cœur de Mandane, je ne me ſoucierois guere des malheurs dont je ſuis menacé : la perte de tant de Couronnes, qui ſelon les aparences devoient tomber ſur ma teſte, ne me donneroit qu’une mediocre douleur : & tout preſt de mourir par les mains de l’implacable Thomiris, je ſentirois encore de la joye, par la ſeule eſperance d’eſtre pleuré des beaux yeux de ma Princeſſe. Mais helas, le moyen, apres tout ce qui m’eſt arrivé en un jour, de croire qu’il y ait jamais un moment de repos pour moy ? car enfin, il paroiſt ſi clairement, par la multitude des choſes fâcheuſes qui me ſont advenuës en cette journée, que les Dieux me veulent accabler d’infortunes, qu’il y auroit de la folie à conſerver un rayon d’eſperance. Je viens par le caprice de mon Rival, reconnoiſtre l’endroit où je ſuis perſuadé que dans peu de jours je delivreray l’illuſtre Mandane ; & au lieu de cela, je ſuis priſonnier moy meſme ; & le Prince Artamas de qui j’