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de ce qu’elle penſera de vous. Ha Socicle, s’écria t’il encore, vous ne sçavez ſans doute point aimer, car ſi cela eſtoit, vous comprendriez que quand un Eſclave chargé de fers, & le plus reſpectueux du monde, aimeroit une Reine ; il l’aimeroit pourtant avec cet innocent deſir qu’elle peut deviner ſa paſſion : & puis qu’il vous faut découvrir le fonds de mon cœur, me dit-il, voila mon cher Soſicle l’unique terme de tous mes deſirs. Je sçay bien, adjouſta l’affligé Cleandre, qu’à moins que de perdre abſolument la raiſon, je ne dois jamais ſonger à entretenir Palmis de l’amour que j’ay pour elle : mais je sçay bien auſſi, qu’à moins qu’elle ceſſe de me voir, il faudra dans la ſuite du temps, qu’elle devine une partie des ſentimens que j’ay pour elle. Que ſi cela eſtoit, il me ſemble mon cher Soſicle, que je ſerois heureux : cependant on veut que je mette moy meſme un obſtacle invincible à la ſeule felicité que je me ſuis propoſée : car comment la Princeſſe pourroit-elle deviner que je ſuis amoureux d’elle, ſi elle me le croyoit d’Anaxilée ? Ha non non, je ne me sçaurois reſoudre à obeïr au Prince : & quand je le luy promettrois, je ne luy pourrois pas tenir ma parole. Mais, luy dis-je, ſi vous l’irritez, ne ſongez-vous point qu’il eſt Frere de Palmis : & que ſans luy dire le veritable ſujet de pleinte qu’il aura contre vous, il luy parlera peut-eſtre à voſtre deſadvantage ? Que voulez-vous que j’y face ? me répondit-il : je voudrois du moins, luy dis-je, advoüer au Prince que je ſerois amoureux, ſans luy nommer la perſonne qui m’auroit aſſujetty. Mais, repliqua-t’il, ne jugez-vous pas que je dois autant craindre qu’Atys découvre ma paſſion, que je dois deſirer que la Princeſſe Palmis la devine ? Ne diſant point le