libre en m’en eſloignant. En diſant cela ces deux illuſtres Rivaux ſe ſeparerent : Cyrus prenant le chemin du Chaſteau d Hermes avec ſon paſſe port, comme s’il en euſt bien eu beſoin : & ces priſonniers prenant celuy de Sardis, ſur des chevaux qu’on leur donna. Le Roy d’Aſſirie, à la ſeparation de Cyrus, ſentit je ne sçay quelle joye, qui tint ſon eſprit en une aſſiette aſſez tranquile durant quelques inſtants, car enfin quand il regardoit devant luy, il voyoit encore le Chariot où eſtoit Mandane : & quand il regardoit à ſa droite, il voyoit ſon Rival qui s’eſloignoit d’elle : & qui alloit repaſſer une Riviere, qui l’en ſepareroit du moins pour long-temps : de ſorte que tout priſonnier qu’il eſtoit, il aimoit mieux ſuivre Mandane, que de s’en eſloigner comme faiſoit Cyrus. Il ne fut pourtant guere dans ce ſentiment là : au contraire, paſſant en un moment d’une extremité à l’autre, il ſe conſidera comme le plus infortuné de tous les hommes, & regarda Cyrus comme le plus heureux. Qui vit jamais, diſoit-il en luy meſme, une advanture ſi cruelle que la mienne ? je n’ay pas ſeulement le deſplaisir d’eſtre priſonnier, j’ay encore celuy de voir delivrer mon Rival ; & delivrer meſme par une perſonne qui me rend ſa liberté inſuportable. Ne ſemble t’il pas, adjouſtoit-il, que la Fortune ne l’a fait captif, que pour luy faire recevoir la plus grande preuve d’affection que Mandane luy ait encore renduë ? & que pour me faire recevoir auſſi la plus horrible marque d’averſion qu’elle m’ait jamais donnée ? car enfin (diſoit-il encore en luy meſme) j’ay connu qu’elle m’avoit veu auſſi bien que Cyrus : mais je l’ay connu principalement par le ſoin qu’elle aportoit à ne me
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