aller paſſer la Riviere où il luy plaira : car je m’en vay ordonner qu’on luy donne un cheval & un Paſſe-port. La Princeſſe remerciant Andramite de ſa civilité, ſe tourna encore vers Cyrus, de qui l’eſprit eſtoit ſi troublé, qu’il ne sçavoit preſques ſi ce qu’il voyoit eſtoit veritable : mais pendant qu’Andramite parloit à un des ſiens ; vous ne voulez donc plus me commander rien pour voſtre ſervice ? dit-il à Mandane : je veux, luy repliqua-t’elle, que vous conſerviez la liberté que je vous donne : je le feray autant que je le pourray, reſpondit-il, mais pour ma vie, Madame, je n’en ſeray pas ſi bon meſnager : eſtant bien reſolu de la perdre pour voſtre ſervice, ſi les Dieux ne vous delivrent bien-toſt. Apres cela, Andramite ſe raprochant, & diſant encore une fois aux princeſſes qu’il faloit marcher, elles marcherent en effet : Mandane regardant Cyrus autant qu’elle put, avec des yeux mouillez de larmes : & Cyrus regardant le Chariot où eſtoit Mandane, auſſi long-temps qu’il le put voir.
En ſuite dequoy, ſe raprochant du Roy d’Aſſirie, il le trouva dans une agitation d’eſprit, qui n’eut jamais de ſemblable : car depuis que Cyrus s’eſtoit aproché du Chariot des Princeſſes, par les ordres d’Andramite, il avoit ſouffert des maux incroyables : vingt fois il avoit penſé nommer Cyrus ; & ſi un ſentiment d’honneur, & meſme un ſentiment d’amour, ne l’en euſſent empeſché, il l’auroit fait infailliblement. Il avoit auſſi voulu s’avancer : mais ceux qui le gardoient l’avoient arreſté, & Feraulas encore l’avoit retenu avec adreſſe. Mais lors que Cyrus ſe raprochant avec le cheval qu’Andramite luy avoit fait donner, & le Paſſe-port qu’on luy avoit baillé,