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ce Chariot, & fait quelque action auſſi hardie, que leur amour eſtoit violente. Mais ce qui acheva de mettre leur raiſon tout à fait en deſordre, fut que durant que la Princeſſe Palmis, aupres de qui eſtoit Mandane, parloit à Andramite de l’autre coſté de la portiere, elle jetta les yeux ſur ces priſonniers : de ſorte que reconnoiſſant Cyrus & le Roy d’Aſſirie, il luy fut impoſſible de s’empeſcher de faire un grand cry : qui venant juſques aux oreilles de ces deux Rivaux, y produiſit des effets differents, quoy que tres douloureux l’un & l’autre. Jamais Amants abſens ne ſe ſont reveus d’une maniere ſi ſurprenante que celle là : car dans ce premier inſtant, ou les yeux de Mandane captive rencontrerent ceux de Cyrus priſonnier, leurs cœurs ſentirent ce que l’on ne sçauroit exprimer qu’imparfaitement. Cependant la Princeſſe Palmis ayant tourné la teſte au cry que Mandane avoit fait, & luy ayant demandé ce qu’elle avoit veu qui l’euſt fait crier ? cette prudente Princeſſe, jugeant bien malgré le trouble de ſon ame, que Cyrus n’eſtoit pas connu, veu l’eſtat où elle le voyoit ; luy demanda pardon d’en avoir vie ainſi. Mais, luy dit-elle, il m’a eſté impoſſible de voir parmy les priſonniers que je voy que l’on garde (pourſuivit-elle en les monſtrant de la main) un homme que j’ay veu ſi long temps au ſervice du Roy mon Pere, en une ſaison plus heureuſe pour moy que celle-ci, ſans eſtre extraordinairement eſmeuë de cette rencontre. Cependant Mandane voyant que leur Chariot s’eſloignoit touſjours, pria la Princeſſe Palmis d’obliger Andramite à luy accorder la liberté de ce cavalier : n’oſant pas dire la verité à cette Princeſſe de peur d’eſtre entenduë : &