en eurent de la joye & de la douleur : la premiere, parce qu’il eſt touſjours allez doux que ſon Rival ne ſoit pas plus heureux que ſoy : & la ſeconde parce qu’ils voyoient Mandane ſans Protecteur : principalement le Prince Artamas eſtant pris & bleue. Ils furent meſme fort affligez, de voir qu’il fut reconnu par deux Capitaines Lydiens, que quoy qu’ils euſſent bien voulu le ſauver, n’oſerent pourtant l’entreprendre : parce qu’en effet ils ne le pouvoient, veu l’eſtat où il eſtoit. Ils ordonnerent donc qu’on le gardaſt au pied d’un arbre, juſques à ce que l’on euſt adverty celuy qui commandoit les Troupes : mais pour donner quelques marques de leur victoire, ils firent conduire avec eux les priſonniers qu’ils avoient faits : c’eſt à dire Cyrus, le Roy d’Aſſirie, Anaxaris, Tegée, Soſicle, Feraulas, & quelques cavaliers. Au ſortir du Bois, Cyrus & le Roy d’Aſſirie virent que toutes les Troupes avoient fait alte dans la Plaine, en attendant l’evenement du combat qui s’eſtoit fait : & en allant, ces deux Rivaux remarquant bien par l’air dont on les traitoit, qu’on ne les connoiſſoit pas, ſe promirent une fidelité mutuelle, à ne ſe découvrir point l’un l’autre en cas qu’ils puſſent trouver les voyes de ſe ſauver & trouvant meſme lieu de faire entendre leur intention à Feraulas, comme il eſtoit fort adroit, il la fit sçavoir aux autres priſonniers : eſperant qu’en n’eſtant pas connus on les garderoit moins exactement, & qu’ainſi ils pourroient peut-eſtre recourer leur liberté. Cyrus craignoit pourtant eſtrangement d’eſtre mené au Roy de Pont : & quand il ſe ſouvenoit combien de fois il l’avoit vaincu, & de quelle façon ce Prince avoit eſté ſon priſonnier ; l’eſtat preſent de ſa fortune luy eſtoit inſuportable.
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