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garde de vous faire cette priere : mais n’ayant pas remarqué que vous ayez aucun attachement à la Cour, je ne mets pas mon bonheur en doute. Seigneur (luy repliqua Cleandre fort ſurpris & fort affligé de ce que le Prince luy diſoit) je sçay ſi peu déguiſer mes ſentimens, que je craindrois de deſcouvrir les voſtres en les voulant cacher. Et puis (adjouſta-t’il, eſperant de pouvoir tourner la choſe en raillerie) comment croyez vous qu’un homme que vous dites vous meſme qui n’a jamais rien aimé, peuſt perſuader aiſément qu’il aimeroit ? Croyez moy Seigneur, dit-il en ſous-riant, pour pouvoir faire croire que l’on eſt amoureux, il faut avoir teſmoigné l’eſtre en quelque autre rencontre : & je ne penſe pas qu’il y ait un homme au monde ſi peu propre que moy, à l’employ que vous me voulez donner. Vous avez tant d’eſprit & tant d’adreſſe, luy repliqua le Prince de Lydie, que vous vous en aquiterez admirablement : car enfin il ne faut que parler tres ſouvent à Anaxilée : & principalement quand il y aura bien du monde, & que la Princeſſe ma Sœur y ſera. Comme ſa converſation eſt agreable, & que vous luy parlerez de moy que vous ne haïſſez pas, j’eſpere qu’il ne vous ennuyera point avec elle : mais mon cher Cleandre, je vous prie afin. que la choſe face plus viſte un grand eſclat, & vienne plus promptement à la connoiſſance du Roy, que vous faciez en ſorte que la Princeſſe ma Sœur s’aperçoive le pluſtost qu’il vous ſera poſſible, des ſoings que vous rendrez à Anaxilée. Cleandre rougit au diſcours du Prince : & parlant plus ſerieusement qu’il n’avoit fait, Vous n’ignorez pas Seigneur, luy dit-il, que je mourrois avec joye pour voſtre ſervice, ſi l’occaſion