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valeur, que je fis ſans doute des choſes que je n’aurois pas faites, ſi ſon exemple ne m’y euſt porté. Tant y a, Seigneur, qu’apres un combat aſſez long, nous nous deſgageasmes de ces aſſassins : il en demeura quatre fut la place, & deux s’enfuirent : il eſt vray que ce vaillant Inconnu que j’avois aſſisté, le trouva eſtre bleſſé en deux endroits, par deux coups qu’il avoit reçeus durant qu’il montoit à cheval : de ſorte que voyant qu’il avoit beſoin d’eſtre ſecouru, je luy demanday en quel lieu il vouloir eſtre conduit ? comme il eſt auſſi civil que vaillant, il me remercia de l’aſſistance que je luy avois rendue, en des termes qui faiſoient aiſément remarquer la fermeté de ſon eſprit. Il voulut meſme me diſpenser de celle que je luy voulois encore rendre : me diſant que ſa vie dont je voulois prendre tant de ſoin, n’eſtoit pas aſſez heureuſe, pour me donner tant de peine à la luy vouloir conſerver. Je ne laiſſay pourtant pas de m’obſtiner à ne le vouloir point abandonner : & en effet je le conduiſis juſques à la premiere habitation, qui n’eſtoit qu’à quatre ou cinq ſtades du lieu ou nous eſtions. Par bon heur il y avoit un Vilage qui n’en eſtoit pas fort eſloigné, ou ſon Eſcuyer fut querir un Chirurgien qu’il sçavoit qui y demeuroit : car je compris qu’il y avoit deſja quelque temps que cet illuſtre bleſſé eſtoit en ce lieu là, ſans en pouvoir deſcouvrir la raiſon : tant parce qu’il eſtoit trop melancolique, pour oſer luy demander une choſe qu’aparemment il n’auroit pas dite à un Inconnu, que parce que je ne fus aupres de luy que juſques à ce que ce Chirurgien qu’on eſtoit allé querir l’euſt penſé. Je luy offris pourtant d’y demeurer plus longtemps,