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en vous donnant une idée de ma qualité trop baſſe ou trop haute. C’eſt pourquoy ſans vous parler davantage de ce que je ſuis, je vous diray que le bruit de voſtre Nom m’ayant fait quiter ma Patrie, pour venir eſtre moy meſme le teſmoin de tant de miracles que la Renommée y a publiez de vous : en paſſant un ſoir dans un Bois qui eſt en Paphlagonie, je vy un homme aſſis au pied d’un arbre, qui parloit avec un autre, qui n’eſtoit qu’à deux pas de luy : & qui ſembloit regarder ſi deux chevaux qui eſtoient à eux, ne ſe deſtachoient point du Tronc d’un Pin où ils eſtoient en effet attachez. Comme l’air du viſage de celuy qui paroiſſoit eſtre le maiſtre de l’autre me ſembla extrémement Grand, je le regarday ſi attentivement, que je creus eſtre obligé de le ſalüer, comme je fis : cet Eſtranger qui me parut eſtre fort triſte, me rendant mon falut tres civilement, fit une ſi ſorte impreſſion dans mon eſprit, que je me retournay trois fois pour le regarder encore. Mais à la derniere, je vis ſortir ſix hommes de divers endroits du Bois, qui s’eſlançant tout d’un coup ſur luy, ne luy donnerent qu’à peine le loiſir de ſe lever ; d’aller à ſon cheval ; & de mettre l’eſpée à la main : ce qu’il fit pourtant ſi promptement, & ſi courageuſement, que vous ne devez pas vous eſtonner, Seigneur. ſi lors qu’on m’a dit que vous eſtiez Cyrus, je n’ay pas encore ceſſé de croire que c’eſtoit vous que j’avois eu le bon-heur de ſervir ; car il eſt vray que je n’ay jamais veu tant de cœur en perſonne qu’en cét illuſtre Inconnu. Je n’eus donc pas pluſtost veu qu’on l’attaquoit avec avantage, que je fus à luy, en luy criant que je mourrois pour ſa deffence : & en effet je me reſolus ſi determinément à ſeconder ſa