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il mettroit quelque autre à ſa place. Araſpe ſur pris du diſcours de Cyrus, au lieu de luy en rendre grace, luy demanda avec empreſſement, ſi la Reine de la Suſiane, ou la Princeſſe Araminte s’eſtoient pleintes de luy ; & s’il ſeroit aſſez malheureux pour leur avoir deſpleû en quelque choſe ? Mais Cyrus luy ayant reſpondu que non ; & qu’au contraire elles s’en loüoient, il le ſuplia donc de luy laiſſer cét employ, & le remercia alors de la bonté qu’il avoit pour luy en cette rencontre. Ce fut touteſfois d’une maniere qui fit croire à Cyrus qu’Araſpe avoit quelque deſplaisir ſecret qu’il ne vouloit pas luy dire : ſi bien que ſans y faire une plus grande reflexion, il monta à cheval, & s’en retourna au Camp. En y allant, il aperçeut dans un chemin de traverſe, deux hommes à cheval qui venoient vers le lieu où il eſtoit : & comme ils marchoient beaucoup plus viſte que luy, & qu’ils eſtoient aſſez proche, ils l’eurent bien-toſt joint. Mais à peine un de ces deux Eſtrangers eut il jette les yeux ſur Cyrus, que voyant l’honneur qu’on luy rendoit, il demanda à quelqu’un de ceux qui le ſuivoient, qui il eſtoit ? & comme on luy eut reſpondu que c’eſtoit Cyrus, cet Eſtranger ſurpris de ce qu’on luy diſoit, s’arreſte ; deſcend de cheval ; & ſe preſente à Cyrus, comme ne doutant pas d’en devoir eſtre connu. De ſorte que luy adreſſant la parole : Seigneur, luy dit-il, ſouffrez que je vous demande pardon, de ne vous avoir pas rendu l’honneur que je vous devois en une occaſion où je vous rendis du moins tout le ſervice que je vous pouvois rendre. Cyrus regardant cet Eſtranger, qu’il vit eſtre admirablement bien fait, fit ce qu’il pût pour rapeller dans ſa me moire l’idée de ſon viſage : mais bien loin de ſe ſouvenir de l’avoir