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bien public, & qui a l’amour de la patrie fortement imprimé dans le cœur : c’eſt pourquoy je ne craindray point de luy dire, que je n’ay pû apprendre ſans quelque diminution de la joye que me donne l’honneur que vous me faites de me ſouffrir, que nous ſommes ſur le point de voir toute la Lydie en armes, & toute la Lydie conquiſe par un Prince eſtranger. Car enfin, Madame, mon Pere & moy avons eu un advis certain de la Cour, que Creſus veut declarer la guerre à cét invincible Conquerant, à qui la moitié de l’Aſie eſt deſja ſujette, & à qui rien n’a encore pu reſister : & cela dans un temps où il retient en priſon l’illuſtre Cleandre, qui ſeul pouvoit ſoustenir une ſemblable guerre. Pour moy, adjouſta-t’il, je ne sçay quelle Politique eſt la ſienne : mais je sçay bien que pour vaincre il faut avoir des Generaux qui sçachent eſgalement combattre & commander : ainſi on diroit que quand il voudroit luy meſme faciliter la victoire de Cyrus, il ne pourroit faire que ce qu’il fait. Cependant il ne veut point entendre parler de la liberté de Cleandre : au contraire à meſure qu’il ſe confirme dans le deſſein de forcer le plus puiſſant Prince du monde à luy faire la guerre, il augmente les Gardes, & reſſerre les chaines du ſeul homme qu’il luy pourroit oppoſer : & veuillent les Dieux que l’injuſtice de Creſus pour Cleandre, n’attire pas le courroux du Ciel ſur toute la Monarchie. J’ay sçeu encore, adjouſta-t’il, qu’il a envoyé conſulter divers Oracles pour cela : & qu’il n’attend que leur reſponse pour commencer la guerre. Il court meſme quelque bruit ſourdement, qu’il doit donner retraite au Roy de Pont, qui a enlevé la Princeſſe de Medie : de ſorte que Cyrus joignant dans ſon cœur un intereſt