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quel que choſe dans le cœur qui l’affligeoit ſensible ment, & qu’il ne luy avoit pas voulu dire, pour luy eſpargner quelques ſentimens de triſtesse. Je ne sçay pas (me dit il, apres avoir eſcouté tout ce que je luy racontois des pleintes que Cleonice faiſoit de ſon changement) ſi elle aura appelle ma melancolie tiedeur : mais je sçay bien que je ne l’ay jamais aimée plus ardemment que je L’aime. Comme nous fiſmes cette converſation dans la meſme Allée où j’avois entretenu Cleonice, eſtant arrivez au bout, nous la viſmes qui ſe pro menoit ſeule dans une autre : de ſorte qu’allant droit à elle, injuſte perſonne, luy dit-il, vous pouvez donc m’accuſer de n’avoir plus que de l’amitié pour vous ? au contraire, interrompit-elle, je vous en louë : & c’eſt pour cela que j’en ay par lé à Iſmenie. Mais encore, luy dit-il, qu’ay-je fait ; qu’ay je dit ; quay-je penſé ; pour vous obliger à le croire ? vous avez eu une melancolie eſtrange, reprit-elle ; qui à ce que je m’imagine, ne vient que de ce que vous vous eſtes engagé à me dire que vous avez de l’amour pour moy, & de ce que vous ſentez que vous n’en avez plus. Je voyois bien, me dit-il, que ma melancolie eſtoit le fondement de mou crime : mais, Madame, puis qu’il faut vous en deſcouvrir la cauſe, que je ne vous avois cachée, que parce que je vous voulois empeſcher de partager ma douleur ; sçachez que nous ſommes en termes d’eſtre peut-eſtre ſeparez pour long temps : car enfin, ſelon la diſposition des choſes, il y a grande apparence que toute la Lydie va eſtre en deſolation : & que noſtre Monarchie ſera renverſée. Je sçay, Madame, que voſtre ame eſt une ame heroïque, qui s’intereſte dans le