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pourtant en lieu où il la voyoit quelqueſfois : car encore qu’il ne ſortist guere du Chaſteau d’Hermes, neantmoins depuis que Cleonice fut aux Champs, comme elle eſtoit fort proche de ſa Sœur, il prenoit ce pretexte pour la voir, tantoſt deſguisé, & tantoſt avec une Eſcorte conſiderable. Cependant pour tenir ma parole à Cleonice, je fus a la Campagne : je ne fis toutefois pas comme elle, car je paſſay la Riviere au Chaſteau d’Hermes où je vy Ligdamis, que je trouvay touſjours fort amoureux : mais qui me ſembla pourtant aſſez melancolique, ſans m’en vouloir dire la raiſon : me priant ſeulement de luy rendre office, & de prendre touſjours ſon party. Lors que je fus aupres de Cleonice, je luy rendis conte des changements qui eſtoient arrivez à Epheſe depuis ſon depart : & je luy apris que Phocylide ne trouvant plus perſonne à nôtre Ville qu’il puſt tromper, eſtoit allé demeurer à Sardis : & qu’Anaxipe ne pouvant plus ſouffrir la forme de vivre de ſa Fille, l’avoit enfin forcée de ſe marier, à un homme qui dés le lendemain de ſes nopces, l’avoit menée à la Campagne, où elle ne voyoit perſonne, & où elle faiſoit une penitence fort rigoureuſe de toutes ſes galante ries paſſées. Cette nouvelle qui auroit autrefois fort reſjouï Cleonice, ne la fit qu’un peu ſoûrire : encore fut-ce d’une maniere ſi contrainte, que je connus qu’elle avoit quelque choſe en j’eſprit. Si bien qu’apres avoir autant entretenu ſa Tante que la civilité le vouloit, à la premiere occaſion qui s’en preſenta, je luy parlay en particulier ; & la menant dans une Allée qui eſt aſſez prés de la maiſon où nous eſtions ; qu’avez vous Cleonice ? luy dis-je ; & d’où vient cette profonde melancolie ?