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Mais quand elle sçeut que ſon Parent & luy eſtoient ſortis heureuſement de la Ville, avec des gens pour leur faire Eſcorte, elle commença de s’affliger des choſes que l’on diſoit de cette advanture : qui fit en effet un ſi grand bruit, que le gouverneur d’Epheſe en fit une perquiſition aſſez exacte. Comme c’eſt un fort honneſte homme, & que Polixinide ſa Femme me fait l’honneur de m’eſtimer aſſez, elle me fit la grace de m’envoyer querir, pour me demander preciſément ce que j’en sçavois. Lors que je reçeus cét ordre, j’eſtois chez Cleonice : ſi bien que devant que d’en partir, nous conſultasmes enſemble ſur ce que je dirois. Car d’un coſté, n’advoüant pas que l’amour eſtoit la veritable cauſe du deſguisement de Ligdamis, c’eſtoit donner lieu de le ſoupçonner d’un crime d’eſtat, & de quelque entrepriſe ſur Epheſe : mais auſſi en advoüant que Ligdamis s’eſtoit ſi fort expoſé pour un intereſt d’amour, il y avoit aparence de craindre que l’on ne creuſt pas tout à fait la choſe comme elle eſtoit. Enfin s’agiſſant de juſtifier Ligdamis, ou de je juſtifier ſoy meſme, Cleonice eſtoit bien embarraſſée : pour faire le premier, il ne faloit que dire la verité : & pour faire l’autre, il faloit dire un menſonge : eſtant certain que les apparences eſtoient contre nous, & qu’il n’eſtoit pas aiſé de s’imaginer que Ligdamis fuſt venu deſguisé à Epheſe, ſans le conſentement de Cleonice. Apres avoir donc bien examiné la choſe, l’amour l’emporta, & elle conſentit pluſtost d’eſtre ſoupçonnée, que de donner lieu d’accuſer Ligdamis. Elle me dit touteſfois qu’il faloit dire la verité : & en effet je la dis ſi ingenuëment à Polixenide qu’elle me