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Atys, qui avoit dix-neuf ans, devint amoureux d’une perſonne qui eſtoit à la Cour, qui ſe nomme Anaxilée : & comme Cleandre eſtoit ſon plus cher Favory, il le fit confident de ſa paſſion, & luy deſcouvrit le fonds de ſon cœur. Cette Perſonne eſt aſſurément fort belle : mais elle eſtoit d’une condition ſi diſproportionnée à la qualité du Prince de Lydie, qu’il jugeoit bien que Creſus n’approuveroit pas qu’il en fiſt l’amoureux ouvertement, & qu’il s’y attachaſt aux yeux de toute la Cour. C’eſt pourquoy il taſchoit de déguiſer ſes ſentimens, & de paroiſtre fort civil & fort galant aupres de toutes les Dames en general, afin de cacher ſa veritable inclination au Roy ſon Pere. Cleandre ne fut donc pas peu occupé durant quelque temps : il eſt vray que ce n’eſtoit pas ſon plus grand tourment : car Madame, il faut que vous sçachiez, qu’au retour du Roy à Sardis, la Princeſſe de Lydie parut ſi admirablement belle à Cleandre, qu’elle eut pour luy toutes les graces de la nouveauté : eſtant certain que quand il ne l’euſt jamais veuë, il n’en euſt pas eſté plus ſurpris. Et certes il avoit raiſon, puis que pendant les dix mois que la guerre avoit duré, elle eſtoit encore ſi prodigieuſement embellie, que tout le monde eſtoit contraint d’advoüer que l’on n’avoit jamais rien veû de ſi beau : de ſorte que comme elle n’avoit pas moins d’eſprit que de beauté, il ne faut pas s’eſtonner ſi l’ame de Cleandre ne pût reſister à une paſſion, dont la cauſe eſtoit ſi puiſſante. La ſienne eut cela d’extraordinaire, qu’il commença d’aimer ſans eſperance : & l’Amour s’empara de ſon cœur malgré luy, ſans qu’il luy fuſt poſſible de luy reſister. Il y avoit alors à Sardis un Prince nommé Arteſilas, qui devint auſſi fort