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croira peut-eſtre que vous l’y avez fait venir ? n’eſtant pas croyable qu’Hermodore ne le die pour : vous nuire. Mais par quelle voye, repliqua-t’elle, puis-je cacher une choſe qui paroiſt ſi criminelle : & que vous sçavez pourtant qui eſt ſi innocente ? eſpouseray-je Hermodore, pour delivrer Ligdamis ? ha Iſmenie, il trouveroit ſans doute luy meſme que ſa liberté me couſteroit trop cher. Cependant je ne voy point d’autre moyen de le tirer des mains de ſon ennemy, qu’en m’y remettant moy meſme : mourons donc, diſoit-elle, mourons ; car auſſi bien quand je pourrois avoir la force de vaincre la puiſſante averſion que j’ay pour Hermodore, & que je pourrois me reſoudre à je ſatisfaire ; peut eſtre ne delivreroit-il pas Ligdamis. De là, revenant encore aux choſes que l’on diroit d’elle, lors qu’on sçauroit que Ligdamis l’avoit veuë en ſecret, & pendant un ſoir où tant de gens avoient pû remarquer que c’eſtoit elle qui avoit obligé Stenobée à s’en aller, & à emmener toute la compagnie ; elle ne sçavoit à quoy ſe reſoudre. Ainſi craignant tantoſt la perte de la vie de Ligdamis, & tantoſt celle de la reputation ; elle eſtoit ſi affligée, qu’on ne pouvoit l’eſtre davantage. Mais à la fin, apres avoir imaginé cent choſes differentes ; je m’adviſay de luy propoſer d’avertir un Parent de Ligdamis qui eſtoit à Epheſe, de ce qui s’eſtoit paſſé : afin que lors qu’Hermodore ſeroit le lendemain chez elle, il y vinſt la force à la main & qu’il ſe faillit de ſa perſonne : luy diſant qu’il avoit sçeu que Ligdamis eſtoit en ſa puiſſance : & qu’enfin pour eſtre delivré, il faloit le delivrer. D’abord nous n’imaginaſmes aucun obſtacle à la choſe, ſuivant la conſtume de ceux qui croyent touſjours beaucoup de facilité, à