qu’elle n’en sçavoit autre choſe. Imaginez vous donc, Madame, de quelle façon Cleonice paſſa cette journée : pour moy je puis reſpondre de ſes ſentimens, car je ne la quittay point. Je n’eſtois pourtant pas trop en eſtat de la conſoler : eſtant certain que le malheur de Ligdamis m’affligeoit ſensiblement. Cependant nous ne pouvions qu’imaginer, pour empeſcher les funeſtes fuites de cette bizarre avanture : car de faire advertir le gouverneur d’Epheſe, que des gens qui n’avoient aucune authorité de faire arreſter Ligdamis le retenoient, & que ſelon les apparences, Hermodore eſtoit celuy qui avoit fait cette violence ; cela ne delivroit Ligdamis d’entre les mains d’Hermodore, que pour le remettre entre celles de Creſus : tout le monde sçachant bien que ce gouverneur avoit ordre de l’arreſter s’il venoit à Epheſe. Ainſi quand il l’euſt retiré de la puiſſance de ſon Rival, ce n’euſt eſté que pour l’envoyer au Roy de Lydie : de ſorte que nous ne voyions guere plus de ſeureté de ce coſté là que de l’autre. Neantmoins, comme Cleonice n’imaginoit rien de ſi inſuportable, ny meſme de ſi dangereux pour Ligdamis, que d’eſtre en la diſposition de ſon Rival : il s’en faloit peu qu’elle ne fuſt reſolue, ſi elle ne pouvoit rien gagner ſur Hermodore quand il reviendroit, de faire advertir ce gouverneur de ce qui s’eſtoit paſſé. Du moins, diſoit-elle, ſi je ne delivre Ligdamis, je puniray Hermodore : & ce ne ſera pas de ſa main que cét infortuné mourra. Il eſt vray, luy dis-je, mais ſa moit vous ſera-t’elle plus douce d’une autre que de la ſienne ? & ne ſongez vous point que par la vous ferez que tout le monde sçaura que Ligdamis vous a veuë chez moy, &
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