demain au matin je viendray recevoir voſtre reſponce. Cleonice voyant qu’Hermodore ſe preparoit à la quitter, le retint encore : & ſe faiſant une violence extréme, elle le flatta : apres elle le pria de luy vouloir dire preciſément où. Eſtoit Ligdamis ? mais il n’en voulut rien faire : de ſorte que paſſant tout d’un coup des prieres aux menaces, elle luy dit tout ce que la colere, & la douleur peuvent faire dire, à une perſonne qui aime. Puis un moment apres, craignant que cela ne haſtast la perte de Ligdamis, elle paſſoit encore des injures aux ſupplications : mais comme elle ne pouvoit pas dire à Hermodore qu’elle l’eſpouseroit, il la quitta ſans changer de ſentimens : luy diſant touſjours qu’il sçauroit ſa reſponse le lendemain : & qu’il luy donnoit ce temps là à ſe reſoudre ; afin qu’elle ne ſe miſt pas en eſtat de ſe repentir, ſi elle ſe reſolvoit en tumulte :
en ſuite de quoy Hermodore ſortit, & laiſſa Cleonice dans une douleur inconcevable. Elle m’envoya querir à l’heure meſme, pour me dire le pitoyable eſtat où elle ſe trouvoit : de ſorte qu’eſtant allée chez elle au meſme inſtant, elle me raconta ce qui luy eſtoit avenu, en des termes propres à exciter la compaſſion dans l’ame la plus dure & la plus inſensible. Apres avoir donc pris part à ſa douleur, comme j’y eſtois obligée, & avoir aſſez long temps raiſonné ſur cette eſtrange advanture ; nous envoyaſmes à la maiſon de ce domeſtique chez qui Ligdamis nous avoit dit qu’il devoit loger (et où il eſtoit encore) pour sçavoir ſi on ne deſcouvriroit point comment il avoit eſté pris, Mais la Femme de ce meſchant homme, inſtruite par ſon mary, dit qu’il eſtoit party à la pointe du jour, auſſi-toſt que les portes de la Ville avoient eſté ouvertes, &