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d’y avoir ; s’en eſt aſſuré ſecretement, & m’eſt venu prier de luy preſter une maiſon que j’ay ſur le chemin de Sardis pour l’y faire coucher plus ſeurement lors qu’on l’y conduira. Mais, Madame, sçachant à quel poinct la vie de Ligdamis vous eſt chere, j’ay imaginé la voye de le delivrer ſi vous le voulez : je voy bien, Madame, adjouſta-t’il, par les mouvemens de voſtre viſage, que vous doutez de la verité de mes paroles : mais pour vous perſuader je n’ay qu’à vous dire que Ligdamis eſt venu à Epheſe deſguisé en Phrigien, & qu’il vous a veuë chez Iſmenie. Cleonice ne pouvant plus douter apres cela, de ce que luy diſoit Hermodore, changea de viſage & de diſcours : & le regardant comme un homme qui pouvoit de livrer Ligdamis, Hermodore, luy dit-elle, je n’ay garde de nier que le malheur de celuy dont vous me parlez ne me touche ſensiblement : car outre qu’il eſt Parent d’Iſmenie que j’aime beaucoup, il eſt vray que je ſuis fort de ſes Amies : & à tel point, qu’il eſt peu de choſes que je ne fiſſe pour le delivrer : c’eſt pourquoy je vous conjure de le vouloir faire à ma conſideration, s’il eſt vray que vous le puiſſiez. Je le puis ſans doute, repliqua-t’il ; mais, Madame, je ne sçay ſi vous voudrez vous meſme ce qu’il eſt pourtant neceſſaire que vous veüilliez pour obtenir ſa liberté. Il faudroit que ce fuſt une choſe criminelle ou impoſſible, reprit-elle, ſi je ne la voulois pas : car pour les choſes ſimplement difficiles, adjouſta Cleonice, je me reſoudrois aiſément à les faire, pour ſauver la vie à un malheureux que je ne connoiſtrois point : à plus ſorte raiſon à un de mes Amis que j’eſtime infiniment. Reſoluez vous donc, luy dit-il, Madame, à ſauver non ſeulement celle de