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qu’on le devoit arreſter à Epheſe, s’il n’en partoit en diligence. Je vous laiſſe à juger combien cette nouvelle affligea deux perſonnes qui s’eſtimoient malheureuſes, dés qu’elles avoient paſſe un jour ſans ſe voir. Cependant il falut que Ligdamis partiſt, & il partit en effet : mais ſi affligé, qu’on ne peut l’eſtre davantage. Il offrit vingt fois à Cleonice, dans les tranſports de ſa paſſion, de n’obeïr pas à ſon Pere : mais quand elle ſongeoit qu’elle ſeroit peut eſtre cauſe qu’on le mettroit en priſon, elle haſtoit elle meſme ſon départ : & le prioit de partir avec autant d’empreſſement, que ſi ce voyage luy euſt deu cauſer un fort grand plaiſir. Ce fut alors qu’elle recommença de blaſmer l’amour ; & ſans pouvoir pourtant ſouhaitter que Ligdamis n’en euſt plus pour elle, elle ne laiſſoit pas de dire que cette paſſion ne faiſoit que des malheureux. Mais comme ſi ce n’euſt pas eſté aſtez, d’eſtre affligée de l’abſence & du malheur de Ligdamis, il falut encore qu’elle ſouffrist la perſecution d’Hermodore : qui n’avoit cherché les voyes de faire exiler ou prendre ſon Rival, que pour profiter de ſa diſgrace : Et en effet il demanda Cleonice en mariage à Stenobée, qui la luy promit, s’il pouvoit obtenir le contentement de ſa Fille. Phocylide de ſon coſté, l’importuna encore plus qu’il n’avoit fait : & comme il luy fut impoſſible de cacher toute ſa melancolie, Artelinde en expliqua la cauſe à tous ceux qui ne l’auroient peut-eſtre pas devinée ſans elle : ſi bien que Cleonice ſe trouva accablée de toutes ſortes de déplaiſirs à la fois. La Sœur de Ligdamis, qui avoit eſpousé il y avoit fort peu de temps, un homme de